Music Fund, lauréat 2021 du Prix pour la Démocratie et les Droits de l’Homme

Music Fund, lauréat 2021 du prix pour la Démocratie et les Droits de lHomme du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

« La musique permet de réunir des gens tellement différents, tellement disparates autour d’un même instrument, avec les mêmes valeurs. La musique devient alors un acteur de dialogue, de rapprochement des peuples, et par là un instrument de paix »
Rudy Demotte, Président du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Ce mercredi 10 mars 2021, Music Fund a eu lhonneur de se voir décerner le prestigieux prix pour la Démocratie et les Droits de lHomme du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Ce prix, d’un montant de 10.000 €, récompense l’association pour son action en faveur des écoles de musique et des projets à vocation socio-artistique dans des zones de conflit et des pays en développement, ainsi qu’en Belgique.

Depuis 2015, le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles décerne chaque année un Prix pour la Démocratie et les Droits de l’Homme. Son principal objectif est de valoriser une réalisation spécifique s’inscrivant dans le cadre de l’Organisation Mondiale de la Francophonie et des valeurs qu’elle défend en matière de promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme. Il s’agit également, pour le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, d’aller plus loin dans son ouverture à la société civile et aux citoyens.

Nous remercions chaleureusement tous ceux qui, de près ou de loin, nous aident à réaliser notre mission : bénévoles, partenaires, donateurs, bailleurs de fonds,… avec une mention spéciale pour les écoles et projets que nous soutenons dans les pays du Sud et qui, par leur travail, leur engagement et leur énergie, œuvrent chaque jour à la démocratisation de l’accès à un enseignement musical de qualité.

« Avec Music Fund, l’’histoire de l’instrument continue. […]
L’asbl crée des ponts imaginaires entre des personnes d’univers très différents

Lukas Pairon, fondateur de Music Fund

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Mesdames, Messieurs,

Les rois de France ne s’étaient pas trompés. Tant François 1er que Louis XIV avaient compris à leur époque que la musique pouvait jouer un rôle déterminant dans le prestige diplomatique de leur pays. Ainsi, des compositeurs, à l’image de Jean-Baptiste Lully, furent amenés à jouer un rôle politique mais aussi diplomatique considérable.

Toutefois l’un des premiers noms que nous retiendrons comme icône de la liberté et militant des droits de l’homme et du progrès social est sans nul doute Ludwig van Beethoven. Son ode à la joie deviendra devant le mur de Berlin éventré le 25 décembre 1989 celui de la liberté. Du parvis de l’église Saint-Laurent de Nuremberg à Fukushima, en passant par Odessa ou Tunis, des flash mobs sur l’Ode à la joie exprimeront les désirs de liberté et de paix d’une foule jeune, aspirant à ces valeurs.

Certes, ne nous leurrons pas ! La musique connaîtra également une connexion passionnelle avec des messages patriotiques, politiques ou révolutionnaires, parfois sanglants. Elle sera également présente dans la mobilisation des masses et il serait illusoire de croire qu’elle n’ait pas été instrumentalisée de façon systématique pendant les guerres. Ce n’est pas un hasard si l’existence d’orchestre militaire remonte à l’Antiquité et que les marches militaires figurent parmi les compositions à succès.

Et pourtant, combien de fois n’ai-je pas été témoin du dialogue s’engageant entre musiciens d’origines diverses par le médium s’exprimant de leurs instruments alors que le verbe eut été inopérant.

Car au-delà de certaines instrumentalisations, la musique reste un langage universel qui ne s’encombre pas de concepts abstraits tels que les frontières et les nationalismes. Elle a ce précieux privilège de parler à tous les humains quelle que soit leur origine.

Parce que Mesdames, Messieurs, c’est dans cette dimension collective et dans la relation qu’elle bâtit que la musique prend son sens en tant qu’instrument de paix. La musique permet de réunir des gens tellement différents, tellement disparates autour d’un même instrument, avec les mêmes valeurs. La musique devient alors un acteur de dialogue, de rapprochement des peuples, et par là un instrument de paix.

Le Prix de la démocratie que le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles va délivrer cette année concerne un monde, celui de la culture, qui souffre énormément aujourd’hui. Nous nous devons d’avoir une pensée pour ce secteur, pour toutes ces personnes qui, par leur art, leur talent, leur ouverture d’esprit, créent les conditions de l’harmonie entre les peuples. Avec la culture, nous oeuvrons à l’épanouissement de nos enfants, de nos jeunes gens pour que, quand ils deviendront les adultes de demain, ils agissent dans le respect de chacun et apportent leur contribution à rendre le monde meilleur.

Mesdames, Messieurs,

Notre lauréat cette année, Music Fund, soutient des écoles de musique et appuie des projets à vocation socio-artistique dans des zones de conflit et des pays en développement. Cette ASBL récolte des instruments usagés, les répare afin de leur offrir une deuxième vie en les destinant à des projets musicaux. Parallèlement à cette activité de dons d’instruments, Music Fund assure la formation de réparateurs d’instruments et l’aménagement d’ateliers de réparation, avec l’espoir qu’ainsi, ces réparateurs formés peuvent envisager d’en faire un métier mais également de participer au rayonnement de leur savoir-faire dans leur région.

Depuis 2005, Music Fund participe à cet esprit de pacification et l’on observera que les projets partenaires essentiels se situent majoritairement dans les pays du Sud comme la Palestine, Israël, le Maroc, la RDC, le Mozambique et Haiti.

Israël et la Palestine sont tout un symbole, deux pays qui, dans le cadre des documentaires de Xavier de Lauzanne « D’une seule voix » et de Héléna Cotinier « It’s not a gun », témoignaient du double rôle de la musique : s’évader du conflit et créer du lien entre les peuples.

Mais Music Fund ne se contente pas de cette vision internationale, elle soutient aussi régulièrement des projets socio-artistiques en Belgique au moyen de dons d’instruments qui toucheront un public particulier, des réfugiés, leur donnant par cette action, un sentiment d’être un peu chez eux.

Conscient que la pratique et l’éducation musicales à elles seules ne suffisent pas à prévenir des conflits ni à promouvoir le développement économique, il n’en reste pas moins que l’expérience acquise dans les régions difficiles montre qu’un enseignement musical bien structuré participe à l’édification et à la reconstruction d’une société qui peut dès lors mettre l’accent sur la culture, et non plus seulement sur les difficultés liées à la guerre ou à la pauvreté.

Mesdames, Messieurs,

Les membres du Bureau et les présidents des groupes politiques reconnus qui composent le jury de ce prix consacrant une réalisation spécifique s’inscrivant dans le cadre de l’Organisation internationale de la Francophonie et des valeurs qu’elle défend en matière de promotion de la paix, de la démocratie et des droits de l’homme, ont été fortement séduits par cette candidature soutenue par de nombreux parlementaires appartenant à différentes formations de ce Parlement.

Saluons par la même occasion tous ceux qui oeuvrent au sein de cette ASBL, faisant en sorte que la musique devienne un hymne de paix rassemblant des individus d’opinions différentes sous une seule et même mélodie.

 

Je vous remercie.

 

Allocution de M. Rudy Demotte, Président du Parlement

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Je suis, en tant que fondateur, très fier que le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles ait décidé d’attribuer cette année son Prix pour la Démocratie et les Droits de l’Homme à Music Fund, notre association qui soutient depuis 2005 des écoles de musique et des projets socio-artistiques en Belgique, dans des zones de conflit ainsi que dans des pays en développement.

Nous le réalisons à travers d’une part des dons d’instruments de musique, et d’autre part des formations de techniciens-réparateurs d’instruments.

Nous sommes aussi très heureux de nous retrouver en si bonne compagnie, puisque les précédents lauréats du prix n’étaient pas des moindres, avec notamment le magnifique Docteur Denis Mukwege et le Musée juif de Belgique.

Tout a commencé pour nous à partir d’une initiative de l’ensemble de musique contemporaine belge Ictus (dont j’ai été le co-fondateur et directeur) et dont des musiciens étaient déjà très actifs en Cisjordanie et en Israël. Avec Ictus, nous avons trouvé en Oxfam Solidarité un partenaire efficace pour lancer en Belgique une première collecte d’instruments de musique pour les écoles de musique dans cette région. La collecte a eu lieu pendant un weekend en avril 2005, un peu partout dans notre pays : en Flandre, en Wallonie et à Bruxelles. Ce fut un immense succès. Il y avait 90 points de collecte, et nous avons ce weekend-là et les semaines qui ont suivi collecté autour de 500 instruments de musique : toutes sortes d’instruments, même des pianos à queue !

Notre souci était alors de nous assurer que ces instruments puissent être en parfait état, pour qu’ils puissent tout-de-suite entamer leur nouvelle vie dans les écoles là-bas. Pour cela, nous avons proposé à des luthiers et techniciens belges de vérifier et réparer bénévolement les instruments collectés.

Fin 2005, un camion rempli d’instruments est parti de la Grand’Place de Bruxelles vers Haifa et nous avons remis 300 instruments à des écoles de musique en Cisjordanie, à Gaza et à Nazareth.

Entre parenthèses, Music Fund a beaucoup d’ami(e)s en Israël. Mais nous y sommes peu actifs, pour la simple raison que les besoins en instruments de musique et en techniciens-réparateurs d’instruments est beaucoup plus grand en Cisjordanie et à Gaza.

C’est le début de l’extraordinaire aventure de Music Fund, rejoint très vite par tous ceux qui, comme nous, pensent que la musique peut elle aussi être un instrument de développement.

Quelques mois plus tard, Music Fund a proposé son premier stage d’initiation aux techniques d’entretien et de réparation d’instruments à Ramallah. Cette activité – former des jeunes personnes liées aux écoles de musique partenaires – est depuis lors devenue l’une des activités principales de notre association, même si nous continuons à collecter des instruments de musique un peu partout en Europe, avec le soutien de grandes salles de concert.

Plus encore que les dons d’instruments de musique, la formation de techniciens-réparateurs nous confirme que l’entretien des instruments de musique pourra être assuré localement.

C’est d’ailleurs surtout pour cette activité que la Commission européenne a, en 2010, décerné à Music Fund le titre de « pratique exemplaire en matière de culture et de développement ».

Les années suivantes, nous avons développé des partenariats très semblables, dons d’instruments et formations de techniciens-réparateurs, avec des écoles et projets de musique en RDC (à Kinshasa, Bukavu et Goma), au Mozambique (à Maputo), au Maroc (à Tétouan) et en Haïti (à Cap-Haitien et à Port-au-Prince).  Et plus récemment, Music Fund a été souvent sollicité pour des projets socio-artistiques en Belgique et dans d’autres pays européens.

Nous constatons que de plus en plus d’artistes, musiciens et aussi techniciens (comme des réparateurs d’instruments ou des techniciens son par exemple) veulent s’engager envers la société, espérant avoir un impact social à travers leur art, leur artisanat, leur savoir ou leur savoir-faire.

Avec quelques amis nous avons écrit une note sur la place que l’art et la culture peuvent avoir dans le travail de développement. Nous avons remis cette note à Alexander Decroo, quand il était Ministre de la Coopération dans le précédent gouvernement fédéral.

Plusieurs projets passionnants étaient mis en avant dans cette note : pas seulement Music Fund, mais aussi le beau projet Connexion Kin d’artistes belges développant sur une période longue des projets artistiques de théâtre, musique et danse avec des artistes de Kinshasa… ou encore, le projet Theatre Day Productions à Gaza qui, depuis plus de 20 ans déjà, propose des ateliers et des productions de théâtre qui sont réalisés avec des adolescents palestiniens et qui leur permettent de s’exprimer sur des problématiques qui leur tiennent à cœur.

Je ne crois pas que la musique puisse vraiment résoudre des conflits, ni au Moyen-Orient ni chez nous, même si des projets de musique réussissent à rapprocher certaines personnes ou certaines institutions.

En 2017, les Ministres de la Culture Alda Gréoli & Sven Gatz ont pourtant choisi Music Fund comme projet exemplaire dans le cadre de l’Accord Culturel entre les deux communautés, la Flandre et la Fédération Wallonie-Bruxelles. Music Fund existe d’ailleurs en grande partie grâce au soutien structurel des communautés, dont nous profitons depuis notre première année d’activité.  Et les Ministres successives de la Culture de la Fédération – Fadila Laanan, Alda Grioli et maintenant Bénédicte Linard – ont été des supporters enthousiastes de Music Fund. Elles ont partagé avec nous l’idée que la musique est capable de construire des ponts.

Je suis le fondateur de Music Fund. C’est facile d’avoir l’idée d’un tel projet, mais pour le réaliser il faut l’apport de nombreuses personnes et de partenaires actifs.

C’est aussi grâce à elles et eux que Music Fund a pu se développer au cours de ces 16 années: la petite équipe de salariés, la grande équipe de bénévoles, les écoles et projets de musique partenaires dans les pays du Sud et en Europe, les partenaires privés et gouvernementaux qui nous soutiennent financièrement, et tant d’autres ami(e)s. Ils/elles sont trop nombreux.ses pour pouvoir tous et toutes les remercier.

Toutefois, je veux remercier en particulier les parlementaires de ma province (celle du Luxembourg), qui ont proposé Music Fund pour ce prix. Et remercier le Parlement d’avoir sélectionné Music Fund.

Je voudrais aussi exprimer nos remerciements à une personne en particulier : c’est le bourgmestre de la ville de Marche-en-Famenne, André Bouchat. Monsieur Bouchat a souhaité que Music Fund s’installe dans sa ville.  Cette invitation nous permet d’avoir depuis maintenant six ans nos propres ateliers de réparation d’instruments de musique, ainsi qu’un lieu de formation pour des jeunes techniciens-réparateurs d’instruments venant des pays du Sud où nous sommes actifs. Monsieur le Bourgmestre, merci à vous et à tous les membres du Conseil communal de la ville de Marche-en-Famenne !

J’espère vous avoir rendus très curieux d’en savoir plus sur Music Fund. Je vous invite à venir visiter notre grotte d’Ali Baba à Jemelle-Rochefort, un bâtiment de deux étages qui nous est mis à disposition par la firme Lhoist. Ce lieu de stockage de Music Fund est rempli d’instruments de musique ! J’organise des visites en présentiel, mais des visites virtuelles sont aussi possibles.

Si vous voulez en savoir plus, venez me voir après cette séance, ou venez parler avec notre président Bernard de Launoit, ainsi que notre vice-présidente Simone Susskind, ou la coordinatrice de Music Fund, Alexandra Gelhay, qui sont tous avec nous aujourd’hui.

Allocution de Lukas Pairon, fondateur de Music Fund

Music Fund en chiffres

9.905 instruments collectés
4.993 instruments réparés et offerts
16 projets partenaires en Palestine, Israël, RD Congo, Haïti, ainsi qu’au Maroc et au Mozambique
19 techniciens-réparateurs d’instruments formés dans les écoles partenaires dans les pays du Sud
9 ateliers de réparation installés au sein des projets partenaires
20 points de collecte permanents dans six pays européens